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Des mots plein la tête

8 avril 2024

JE TE NON AIME

 

L’amour c’est de la foutaise l’amour c’est de la connerie j’ai dit je une fois dans ma vie depuis le coeur en miette depuis le coeur détruit en charpie toi je te non toi je te dévore je te digère je te vomis sur le papier pour me soulager de tous mes maux mes mots qui se bousculent dans la tête l’écriture comme une drogue mais on n’a jamais vu personne condamné pour trafic de mots je ne te dirai pas je non le dernier je est tombé dans l’oreille d’un égoïste autant dire dans le néant toi tu es le parasite qui se nourrit de mon chaos mes mondes intérieurs et me permet d’en montrer un bout sublimation je te non mais j’ai besoin de toi pour me rappeler que j’existe ou m’en donner l’illusion même si j’ai pas toujours envie même si j’ai toutes ces choses que je dois faire et ces autres choses que j’aimerais faire parce que c’est plus drôle que de m’enfoncer les doigts dans le crâne pour en extirper mes mots mes maux je te non mais j’aurai toujours besoin de toi pour me rappeler que je suis simplement

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21 mars 2024

Meurtres en série

Elle n’arrêtait pas de parler, de parler, de parler et moi, je n'en pouvais plus. Il fallait bien que je la fasse taire d'une manière ou d'une autre. Alors pour ça, j’ai voulu lui jeter le premier truc que j’ai attrapé et je lui ai lancé au travers de la gueule mon fauteuil de bureau. J’admets que j’aurais pu prendre quelque chose de moins lourd et de moins dangereux, mais j’étais vraiment furieuse. Et puis, elle n’avait qu’à se pousser.

 

Sa copine était arrivée vers vingt-deux heures et à minuit, elles parlaient toujours. Aucune des deux n'aurait eu l'idée brillante de baisser le volume de la musique, poussé à fond, ni même de fermer la fenêtre pour épargner les oreilles de leurs voisins. Chaque fois que je regardais par la fenêtre, je les voyais, tranquillement assises à rire, à parler, à dire des conneries comme si le monde n’existaient que pour elles. Impossible de ne pas les voir, sa fenêtre est face à la mienne. J'avais envie de hurler, de leur crier de se taire, de fermer la fenêtre, de penser un peu aux autres, merde, mais je ne crie jamais sur les autres : j'ai horreur de ça.

A une heure du matin, elles étaient toujours en train de parler et je n'avais qu'une envie : me coucher. Mais comment espérer dormir alors que même fenêtre fermée, je les entendais. Chaque éclat de rire était pour moi la goutte de trop. J’étais crevée ; je commençais même à voir flou.

Donc, pour arrêter mon calvaire, j’ai pris le vieux fusil de papy et j’ai tiré dans leur direction, mais sans viser, évidemment. Certes, ça a fait beaucoup de bruit, mais au moins elles ont arrêté de rire. Je suis seulement désolée d’en avoir loupé une.

 

Il m'a bousculée et ne s'est pas excusé. Je ne pouvais pas laisser passer ça même si je sais que sur le quai d’une gare ce sont des choses qui arrivent. Simplement, j’étais de mauvaise humeur et quand je suis comme ça, faut pas me chercher, faut pas me toucher car je démarre au quart de tour. Mais je l'ai juste un peu bousculé. C'est pas ma faute s'il est tombé du quai au moment où le train arrivait. Mauvais timing.

 

De toute façon, j'en avait marre, de cette boîte. J'aurais fini par démissionner ; j'en avais envie depuis un moment. Entre les collègues, autour de la machine à café, c'était à celui ou celle qui serait la pire langue de pute. La chef était une championne, dans ce domaine : ça faisait au moins un domaine de compétences dans lequel elle arrivait à briller. Mais faut dire que la concurrence était féroce. Alors elle dégommait tout le monde, dès qu'ils avaient le dos tourné. Tout le monde, sauf ceux qui pouvaient être utiles à sa carrière : on ne sait jamais, il faut savoir lécher les bonnes bottes quand on veut avancer. Et puis il y avait ses petits chéris, ses caniches juste bons à aboyer sur ses ordres. Ceux-là, elle les ménageait un peu. Moi, évidemment, je ne faisais pas partie du groupe. Pas assez sociale, pas assez lèche-cul en fait. Alors quand elle pouvait me reprocher quelque chose, elle ne s’en privait pas, surtout quand il y avait du monde pour regarder.

Du coup, pour son anniversaire, j'ai eu envie de lui faire une petite blague histoire de lui faire payer une bonne fois pour toutes les humiliations qu’elle m’avait fait subir. Si j'avais su qu'elle en donnerait à tout le monde, j'aurais peut-être mis moins de poison dans le gâteau.

Ou pas...

 

Elle n'arrêtait pas de se plaindre de sa vie: ses enfants, son ex-mari, son boulot et moi, je me demandais pourquoi, au nom de quoi, je l’avais laissée entrer dans ma maison alors que j’étais en plein travaux. La politesse envers une voisine ? Je veux bien, mais elle m’agaçait au plus au point. Et sa vie avait l’air d’être d’un ennui mortel. Donc, c'est aussi pour son bien, que je lui ai fracassé la tête à coups de marteau.

 

À l'entendre parler, on aurait dit que parce qu'elle avait un doctorat, elle en savait plus que les autres sur tout, dans tous les domaines. En botanique, en tout cas, elle était nulle ; sinon, elle aurait bien vu les amanites phalloïdes dans ma fricassée de champignons.

 

Ma belle-mère avait raison, finalement. J'aurais dû cirer ce fichu escalier depuis longtemps. Il a bien meilleure allure, à présent, avec ses marches brillantes. J’aurais peut-être dû dire à la vieille que les marches glissaient un peu. Elle ne m’aurait pas plus écouter de toute façon.

 

Je vous jure : c'est totalement involontairement que j'ai roulé deux mètres sur le trottoir après donné un petit coup de volant maladroit pour éviter un vieil hibou. Ce n’est pas ma faute si mon chef de service se trouvait juste là. Bien sûr, dés que je l’ai vu, j’ai paniqué et j’ai essayé de freiner. J’ai appuyer très fort sur la pédale. J’ai juste appuyé sur la mauvaise pédale, c’est tout.

Heureusement, il n’a pas eu le temps de souffrir. Je ne suis quand même pas un monstre.

 

Je lui avait dit de ne pas toucher à cet arbre et de ne pas le tailler. Donc, c'est sa faute. De tout façon, s'il avait été plus malin, il se serait retenu à la branche quand j'ai retiré l’échelle. Lui qui adorait raconter des blagues, il aurait pu se souvenir de celle-ci. Et dire qu’il me reprochait de n’avoir aucun sens de l’humour.

 

Mon mari adorait sa voiture de sport. Je suis presque certaine qu’il l’a préférait à moi, sa femme. Il la bichonnait amoureusement et pouvait passer des heures à admirer son moteur alors que moi, il me regardait à peine. Moi, qui n’y connaissais rien. Il aimait même raconter à qui pouvait l’entendre, à qui était assez patient pour l’écouter, à quel point je suis nulle en mécanique, que c’est à peine si je sais comment ouvrir la trappe de l’essence sur ma voiture pour faire le plein et que sans lui, je ne m’en sortirais pas. Pourtant, ce n’est pas si compliqué que ça, le fonctionnement d’une voiture. Ça ne m’a pas pris plus d’un quart d »heure pour saboter ses freins. Dommage, quand j’y pense, c’était toute de même une Plymouth Fury 58, comme dans mon roman préféré.

23 février 2024

Carrousel

Tout a commencé comme ça, tout simplement, comme n'importe quelle autre histoire. Une rencontre d'une banalité totale, sur un banc, face à un carrousel.

Ce jour-là, Cécile était passée à la poste porter un colis, à la banque régler un problème et après ces démarches, elle avait décidé de faire une pause en marchant au hasard. Marcher en rêvassant, flâner d’une boutique à l’autre sans entrer dans une seule, c’était sa façon d’oublier ses soucis et elle était arrivée ainsi sur la place.

La musique qui s’est fait entendre a attiré son attention. Poussée par la curiosité, elle a voulu savoir d’où elle venait et dès qu’elle a vu le manège, elle s’est approchée mais la vue des enfants juchés sur les chevaux l’a arrêtée à mi-chemin. Elle n’a plus l’âge de monter là-dessus. Elle se ridiculiserait. Alors elle s’est assise sur un banc vide près du manège et elle a commencé à regarder les chevaux passer avec ou sans cavalier. Mais c’est un autre manège qui est venu ou plutôt revenu dans son esprit, un vieux carrousel en bois flottant comme une image perdu dans sa mémoire. Florence, les vacances en Italie, un morceau de bonheur, il y avait longtemps…

C’était à Florence et il faisait chaud. Alors qu’elle visitait la ville avec ses parents, ils avaient débarqué sur cette place pleine de monde et dont elle a oublié le nom. Elle l’avait vu aussitôt, avec ses chevaux, et était devenue presque folle. Son père avait bien protesté mais devant son insistance, il avait cédé.

Perdue dans ses pensées, elle n'a pas remarqué tout de suite l'homme qui s'asseyait à côté d'elle avant qu'il ne lui parle :

« C'est la première fois que vous accompagnez votre enfant au manège ? »

Interloquée, elle lui a répondu « oui » sans réfléchir en se demandant de quel enfant et de quel manège il pouvait bien parler. C'est alors qu'elle s’est rappelé du manège, le vrai, avec les enfants.

« C'est lequel, le votre ? Lui a-t-il demandé.

  • euh, aucun, en fait, je n'en ai pas. Je me suis juste assise là comme ça. Je suis désolée, je n’avais pas compris votre question. »

Embarrassée, elle a rougi et s'est tue, envahie par la certitude qu’elle devait avoir l’air folle ou idiote. Elle n’a même pas eu l'idée de mentir, désigner un enfant au hasard, en espérant qu’il ne le connaisse pas, mais elle n'a pas osé. Mentir sans rougir, sans se faire prendre, elle n'a jamais su faire, elle ne sait pas. Chaque fois qu’elle a essayé, pour cacher une bêtise, se protéger, elle n’a eu que des ennuis.

Pris de court, l’homme l'a regardée d'un drôle d'air avant de sourire :

« Désolé. J'avais cru, à vous voir regarder le manège, que vous étiez en train de surveiller votre enfant. »

Ils sont restés silencieux pendant un moment, gênés, et elle en a profité pour regarder le manège un peu plus attentivement. Un manège à chevaux de bois, vieux, comme on en trouve dans des tas d'autres parcs. Pas aussi beau que celui de son enfance, mais il avait son charme.

Elle s'est demandé si l'homme assis à côté surveillait un enfant ou s'il s'est posé là, comme elle, pour se reposer. Elle a bien eu envie de lui poser la question, mais son mensonge involontaire, ce petit « oui » lâché trop vite, ça l'a bloquée, tout d'un coup. Ça faisait comme une barrière entre eux mais comment lui expliquer qu’elle s’est assise là à cause d’un morceau de musique et d’un souvenir ressurgi du passé. Elle n’a jamais aimé raconter sa vie, surtout pas à des inconnus. Et puis, ça ne l’intéresserait certainement pas.

Alors elle a cherché lequel pouvait être le sien, à lui. Le petit rouquin aux tâches de rousseur ? La petite avec son bonnet bleu si bien enfoncé sur la tête qu'on ne voyait pas une mèche de cheveux ?

« La mienne, c'est la blonde avec des couettes et une parka rose, lui a-t-il confié, comme s'il avait lu dans ses pensées. Elle s'appelle Cécile. »

Cécile n'a pas dit un mot. Cécile a juste lâché un « Oh » qui voulait tout et ne rien dire, mais n’a pu s’empêcher de sourire devant une telle coïncidence - la vie réserve parfois de drôle de surprises - et puis elle a cherché et quand elle l’a trouvée, elle a regardé l'autre Cécile avec ses couettes blondes et sa parka rose, elle qui a les cheveux noirs, coupés courts et une veste marron. Elle s'est alors rendu compte qu'en regardant bien, elle n'aurait pas imaginé qu'elle puisse être la fille de cet homme assis à côté d'elle, avec ses cheveux bruns bouclé et son teint olive.

« C'est le portrait craché de sa mère, lui a-t-il précisé ; à croire qu'il avait encore lu dans ses pensées.

  • Elle est jolie comme un cœur ; vous devez être tous les deux fiers d'elle. »

Elle a lâché cette phrase comme ça, parce que c'est tout ce qu'elle a trouvé à dire et puis c’est ce qu’on dit dans ces cas-là. Elle a aussitôt regretté ces deux phrases en voyant le visage de l'homme s'assombrir.

« oui, si sa mère revient un jour du Brésil, elle sera peut-être fière d'elle en la voyant. »

Elle a rougi, bégayé un truc du genre « Désolée, je ne savais pas », et s'est tu, se sentant plus sotte que jamais. Et puis elle s'est consolée comme elle l'a pu : ça aurait pu être pire ; au moins, elle n'est pas morte. 

Elle s'est aperçue alors qu'il s'était remis à parler, mais elle n'a pas écouté ce qu'il disait. Elle a voulu lui demander de répéter mais elle a renoncé en  le voyant sourire et tendre les bras en direction de sa fille qui arrivait en courant. Le manège s'était arrêté. La petite en avait marre de tourner. C'était l'heure de rentrer.

Il s'est levé, et alors qu'il s'apprêtait à lui dire au revoir, sa fille s'est écriée :

« C'est qui la dame, papa ? Comment elle s'appelle ? »

Elle a juste répondu :

« Je m'appelle Cécile, Cécile. »

Il les a regardées tour à tour et ils se sont sourit. Simplement.

29 novembre 2023

forêt

Forêts pleines de secrets et de peur d’enfants.

Forêts, arbres qui poussent n’importe comment et se foutent du désir d’harmonie des jardiniers.

Peau des arbres, écorces des hommes.

Des gouttes de bois pendent du plafond. Chute en suspens, elles n’en finissent pas de tomber, se balançant doucement, pendules, au grés d’un courant d’air. Je me sens chat. Mon esprit tourne en rond autour des gouttes de bois que j’ai envie de voir voler, valdinguer comme des idées. Mobiles immobiles pourquoi tant me tenter ? 

Arbres sans écorces, coupés, sculptés poncés, exposés comme des oeuvres d’arts, ou des trophées. Toucher du bout des yeux ce qui était vivant, respirait, poussait, ne l’est plus. Que dire de plus ? Ceci est-il une table basse ? La Bonne blague !Sculpture en forme de table basse, table basse érigée en oeuvre d’art ? Marcel se bidonne dans un coin de ma tête.

Juste à côté, un morceau de bois sur un autre morceau de bois. Où s’arrête le socle, où commence la sculpture ? La nature, pour le coup, me semble meilleur artiste qui tord les troncs et les branches selon le hasard, comme un caprice.

Dans les dessins, les arbres ont les pieds dans l’eau. Ils y prennent racines en attendant Godot. Sont-ce les arbres qui poussent dans l’eau ou la rivière qui les enlace ? Embrasse ? Baiser glacial d’Ophélie qui file dans l’eau le fil de sa vie. Mon regard plonge en vain dans ces dessins. Je voudrais être là-bas, me perdre au milieu de ces arbres et mes pieds sont presque froids de se croire dans l’eau.

Marais, forêts, sous-bois. Galère d’écrire et j’en ai presque la gueule de bois. Tête de bois qui s’entête à trouver des mots. Prise de conscience, je ne veux pas écrire sur l’art, je veux en faire, quitte à faire n’importe quoi. Ne pas parler des choses, les faire, mais quoi ?

Me revient en tête la chanson d’Anne Sylvestre. Il y avait un orme… avait… Ave, César, les ormes qui sont morts te saluent. Quand on s’appelle Sylvestre, on aime les arbres, non ? Mon esprit s’est évadé de l’expo.

J’écris n’importe quoi. Je m’ennuis un peu. Pendant ce temps, quelque part, un arbre clapote dans l’eau.

20 novembre 2023

Fragments d'une vie

Assise sur un tronc d’arbre mort, Oriane regardait danser les flammes de son feu de camp. Augusto, son guide, s’était endormi, la tête sur son sac, et elle songeait à l’imiter. Elle était fatiguée de sa journée mais heureuse. Elle était là où elle voulait être, elle faisait ce qu’elle voulait faire. Quelque part près d’elle, dans ces montagnes que d’aucuns prétendaient inhospitalières, dormait une cité qu’elle allait révéler au monde. C’était une certitude pour elle. Cette cité était là, et l’attendait.

Oriane leva les yeux à la recherche de la lune. Elle brillait de toute sa rondeur au milieu d’un ciel sans nuages. C’était un signe. Oriane était sur le point d’accomplir sa destinée. Elle le sentait.

 

Enfant, Oriane aimait lire. Curieuse, elle pouvait lire n’importe quel livre lui tombant dans les mains, y compris les dictionnaires. C’est ainsi qu’elle eu l’occasion un jour de lire un livre sur l’Atlantide. Ce fut pour elle une révélation. L’idée qu’une telle cité ait pu exister et disparaitre sans qu’on se souvint où elle était située la fascina. Il y avait donc sur terre des régions presque aussi inconnues que les planètes au lointain, des cités cachées qui étaient à redécouvrir.

Elle se jura de partir un jour à sa recherche et la retrouver.

 

Elle était née à Paris, dans le très chic seizième arrondissement, le dix juillet 1951, soit quatre-vingt ans jour pour jour après Marcel Proust. Sa mère, qui avait étudié la littérature, avait insisté pour la nommer Oriane, du nom de son personnage préféré de la Recherche. Son père, Anatole, ingénieur dans le génie civil, et qui n’avait jamais lu Marcel Proust qu’il trouvait chiant comme la pluie avec sa manie d’écrire des phrases longues comme le Danube pour le plaisir, et snob, avait simplement haussé les épaules avant de répondre « si ça peut te faire plaisir ». C’était son deuxième enfant et sa deuxième fille, et il ne consolait de sa déception de ne pas avoir eu de garçon en se jurant que ce serait pour la prochaine fois et qu’il aurait le choix du prénom. Il n’eut qu’à moitié et dû se résoudre à accueillir un Charlus deux ans plus tard.

 

 La rupture avec sa famille eut lieu le jour de ses vingt-et-un ans. Jusque là, le dîner s’était bien passé. Oriane, qui sentait peser sur elle le poids du regard de son père, restait muette ne répondant aux rares questions que par monosyllabes, jouant avec sa petite cuillère quand elle ne mangeait pas.

Et puis, il y eu cette question fatale du collègue de son père, Edmond de Quelque chose: « eh bien, mon petit, te voilà devenue adulte. Il serait temps de songer à ton avenir et te trouver un fiancé. » La main sur la petite cuillère s’était crispée d’un coup. Le regard qu’elle posa sur l’idiot se fit assassin: « il est hors de question que je me marie. Un mari, c’est un bagage trop lourd pour découvrir le monde. »

Il n’eut pas l’audace de répondre. Le père d’Oriane, lui, explosa.

 

 Personne ne sut jamais dans quelles circonstances Oriane trouva la mort, ni même si elle est morte. Ce faisait longtemps qu’elle avait coupé les liens avec les autres. Certains affirmaient qu’elle avait fait une chute en escaladant seule le mont K2, son corps gelé reposant au fond d’une  crevasse. D’autres, qu’elle avait été dévorée par un anaconda en explorant l’Amazonie.

Un certain Alphonse37 racontait sur les réseaux sociaux qu’elle avait perdu la vie dans la Cordillères des Andes alors qu’elle cherchait la fameuse cité El Dorado, qu’elle avait trouvé avant de finir sacrifiée par ses habitants. Une autre théorie voulait qu’elle se soit suicidée en se jetant dans un volcan sur le point d’entrée en éruption après une peine de coeur.

Enfin il y avait cette rumeur selon laquelle elle aurait été victime d’une expérience malheureuse d’extra-terrestres qui avaient compris trop tard qu’un terrien ne survit pas quand on lui coupe la tête.

Tous s’accordaient à dire qu’elle avait disparu sans laisser l’ombre d’une trace.

 

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10 novembre 2023

JE

JE parle. JE se tait. JE je meut. JE se terre. JE s’isole. JE se tue, se tutoie, toi-même. JE sert les poing un peu plus fort, un peu plus ferme. JE se rebelle à toute instruction, JE rebelle à toute proposition, se refuse à écrire une histoire, bonne poire, pauv’pomme.

JE saute. JE court, court-métrage et cinéma. JE fait son cinéma. JE se prends pour une star. JE danse sur la pointe des pieds, sur le fil du rasoir d’Ockham. JE valse au bord du précipice où se jettent les rêves, les nuits d’insomnies.

JE est aux abois. JE se glisse sous le surmoi. JE perd son temps à la recherche de son ego au milieu de tout ça. JE se rend. JE minaude. JE vous la montre pour montrer patte blanche. JE se tait encore. JE se mure dans le silence. JE se moque du qu’en-dira-t-on. JE se demande quand mais où est donc Ornicar.

JE n’a pas d’émoi. JE cache ses émotions. JE sent la faim venir et la fin aussi. JE sans mot, sans voix, la gueule cassée sur le trottoir de la vie au milieu des idées perdues des gens, mange une tarte.

JE bat, coeur palpitant et sanguinolent, déchiré par son absence, son souvenir effacé. JE se sent seule au monde et perdue pour la postérité. JE se cache au fond de soi-même. JE se fout de tout, comme de vous et de moi.

JE paresse. JE se fait indocile. JE pense inutile compréhension d’un monde sans queue ni tête où tout s’écroule. JE rêve dans la lune où il fait froid. JE vole, étoile filante merveilleusement brodée de givre dans l’obscurité dévorante de l’infini et au-delà de la pensée humaine.

JE se dessine symétrique. JE s’écrit amphigourique. JE se devine énigmatique qui a troqué son tic contre un toc catastrophique. JE était dans la tombe et regardait cahin-caha ses mots vagabonder en une farandole fantastique, un galope infernal et fatal.

FRENCH CANCAN.

2 octobre 2023

Le mur

Le Mur

 

 

Le Mur. Dans sa tête, c’est avec un M majuscule qu’elle l’écrit. C’est ainsi que tout le monde l’écrit ici, bien que ce ne soit pas son nom officiel. Parce que c’est plus qu’un simple élément du décor, c’est une enceinte, le mur qui entoure la cité, rendant impossible ou presque toute sortie en dehors de l’unique porte par laquelle on ne peut passer sans autorisation - autant dire qu’on ne peut pas passer.

Le Mur est plein, sans ouvertures. Même le regard ne peut franchir cette muraille dont la hauteur dépasse celle de la plupart des autres bâtiments de la ville sauf, peut-être, depuis le toit de l’hôtel de ville.

Il est omniprésent, dans toutes les pensées. Même quand on ne le voit pas, on sait qu’il est là

Face au mur qui de toute sa hauteur la toise, Shangara se sent toute petite mais elle ne détourne pas le regard. Pour elle, c’est une entité vivante, presque pensante ; mais quelque chose de malveillant.

Aucun ne reste indifférent. Tous n’ont connu que lui toute leur vie. Il entoure la cité la protégeant comme la coquille d’un escargot. Construit il y a plus de cent ans après la grande guerre qui.a tout ravagé, le Mur a été présenté comme une mesure de protection pour éviter une nouvelle guerre. Peu ont alors protesté contre ce qu’ils considéraient comme un emprisonnement de la population et de toute façon personne ne les a écoutés. Le temps a passé, et le Mur est resté.

Shangara lève les yeux vers le haut du mur, très loin là-haut. D’où elle se tient, elle ne peut pas les voir mais elle sait qu’ils sont là, les gardes, prêts à tirer sur quiconque aurait l’audace d’escalader le Mur. Peine de mort sans procès. Pourquoi faire, d’ailleurs ? Tenter de quitter la cité, l’abandonner comme un enfant ingrat abandonne sa mère, n’est-il pas un crime qui mérite au moins la mort ?

Pour la plupart des gens de la cité, il est un mal nécessaire, comme la garde. Le Mur est l’ultime protection contre les barbares de l’extérieur qu’ils n’ont jamais vus mais dont les journaux parlent souvent et qui sont prêts à tout pour détruire la civilisation et la ramener à l’âge de pierre, ou au moyen âge, à une époque où régnait le chaos en tout cas. Pour eux, ce qui importe le plus, c’est la sécurité de tous et le maintient de l’ordre. La liberté n’est rien sans protection et le bonheur seulement possible que si la sécurité et l’ordre règnent, quitte à sacrifier un peu de liberté de mouvement. Du reste, il n’y a rien hors le Mur qui puisse intéresser un citoyen raisonnable. Les journaux et les documentaires le disent très bien : il n’y a rien à trouver sauf la mort. À quoi bon risquer sa vie pour satisfaire une curiosité malsaine ?

On trouve aussi dans la cité des fous qui vénèrent le Mur, leur Grand Protecteur. Un culte a même été établi, les fils du Mur, et il compte de nombreux fidèles parmi les habitants de la cité. Ce sont de véritables fanatiques qui ne supportent pas la moindre critique et se livrent à un perpétuel prosélytisme. Bénéficiant de l’indifférence bienveillante des autorités, ils organisent régulièrement des marches ou des rassemblements en l’honneur du Mur. Quand Shangara les croise, elle les évite, ou prétexte une convocation au bureau de Contrôle : les convocations du bureau, obligatoires sous peine de poursuite, sont le meilleur prétexte pour se débarrasser d’un opportun.

À l’opposé des adeptes du Mur, il y a ceux qui le haïssent et qui voudraient le détruire, mais ceux-là ne représentent qu’une minorité dans la cité, une minorité très surveillée et considérée comme nuisible car responsable de troubles de l’ordre publique. Des gens pauvres, marginalisés, pour qui la cité est une prison à ciel ouvert, un piège mortel où l’illusion du bonheur pour tous vous aveugle et vous engourdit l’esprit pour mieux vous faire oublier que vous êtes enfermé et que vous crevez à petit feu. Pour eux, le bonheur sans liberté n’est qu’une chimère, un mensonge. Kadyn, en était convaincu, lui qui ne cessait de le répéter comme un mantra :

« On n’a rien à faire ici. On est juste bons à se faire exploiter jusque’à la mort.

  • Et tu proposes quoi ? Il n’y a aucun moyen de sortir et tu le sais très bien.
  • Et sil c’était possible, tu me suivrais ? »

À cette question, Shangara ne répondait jamais et à présent que son frère n’est plus là pour la poser, cette question lui revient comme un regret. Et s’il avait trouvé un moyen de sortir de la cité ? Mais serait-il parti sans elle ? Et s’il n’est pas parti, où est-il ? Est-il seulement en vie ?

Un mouvement sur sa gauche attire son attention. Une patrouille de garde l’observe attentivement. Elle est restée là trop longtemps, son attitude est suspecte. Lentement pour ne pas attirer d’avantage l’attention, elle pivote sur la droite et commence à s’éloigner. Kadhyn avait raison, c’est une prison. Il y a toujours quelque chose ou quelqu’un pour vous le rappeler.

26 septembre 2023

Tragédie en un acte

 Il y a moi, dans l’embrasure de la porte

Il y a toi, allongé nu dans le plumard

Il y a elle, à califourchon sur toi

Et il y a le fusil de Papa

                                Entre

nous                                       

18 septembre 2023

Il y a ...

Il y a des fleurs dans le jardin

Et puis des chats qui se promènent, chassent, dorment ou se battent.

Il y a des petits cailloux dans le jardin, des blancs, des gris, des roses, des … de toutes les couleurs

Et puis des plantes qui s’y immiscent et poussent obstinément.

Il y a des voitures garées dans l’allée devant la maison

Et puis des enfants qui jouent, qui courent, qui s’inventent des mondes où tout est vrai, évidemment.

Il y a des nuages au-dessus de la maison qui galopent après le temps ou passent paresseusement

Et puis le soleil qui arrose le jardin avant de disparaître à l’autre bout du quartier.

Il y a une terrasse derrière la maison dont certains carreaux ont besoin d’être recollés

Et puis moi qui m’assois parfois en tailleur pour lire un livre avec le chat blotti sur les jambes.

6 juin 2023

Les gens qui

Les gens qui poétisent au clair de la lune, mon ami Pierrot.

Les gens qui bringuebalent dans les fourrés à l’abris des regards.

Les gens qui partent en fumée au-dessus des cheminées d’usine.

Les gens qui que quoi dont où est Ornicar la vie n’attend pas.

Les gens qui tirent ou qui pointent.

Les gens qui sautent-mouton par-dessus les barrières, par-dessus les bancs.

Les gens qui zigzaguent entre les gouttes de pluies, entre les ennuis et les gens.

Les gens qui meurent d’ennuis au fond des cimetières.

Les gens qui ne finissent pas…

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