Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Des mots plein la tête
19 juillet 2022

Les petits chevaux

cheval

A peine installée, elle commença à râler et il commença à regretter de lui avoir demander de l’accompagner. L’idée de cette promenade à Chantilly avec visite du château et et course hippique lui avait semblé pourtant bonne, mais c’était sans compter ses talons aiguilles et son caractère.

« Pourquoi ils commencent pas la course ?

  • Ils vont le faire. Ils se préparent.
  • Et comment on sait lesquels c’est les nôtres ?
  • Le tien a une casaque noire à pois blanc et le mien une casaque rouge.
  • Une quoi ?
  • Un blouson.
  • Et le cheval noir, il a quoi sur la tête ?
  • Ben, c’est son masque de super-héros. Pour courir sans être identifié, soupira Auguste. Et tais-toi ça va commencer. Tu vois, ils font entrer les chevaux dans les paddock…».

Il s’arrêta en constatant que loin de l’écouter, elle s’était mise fouiller son sac - un faux Vuitton avec lequel elle croyait passer pour une femme chic mais qui lui donnait juste l’air cloche. Au moins, les questions avaient cessé.

Les chevaux s’élancèrent et il oublia Annabelle pour un instant. Le cheval qu’il avait choisi s’élança comme un bolide, très vite, trop vite pour tenir la distance et il finit par se faire distancer, terminant troisième malgré son nom évocateur : Prince des Tempêtes. Celui d’Annabelle, une pouliche, n’avait pas fait mieux. Il voulu le lui expliquer mais s’abstint en constatant qu’elle était occupée à se maquiller.

La course avait commencé et s'était terminée dans les cris  des spectateurs - de joie ou de désespoir selon le résultat - sans qu'elle en aie rien vu.

« C’est fini ».

Elle remit derechef à farfouiller dans son sac après avoir rangé son rouge à lèvres  à la recherche de son ticket - inutile puisque le cheval sur lequel elle avait parié était arrivé le dernier. Auguste soupira :

« C'est bien la peine que je t'emmène au champ de courses si tu ne regardes même pas. Et ta pouliche a fini en dernier au passage.»

Elle se leva, furieuse comme une ado qu’on réprimande malgré son âge, et décida qu'il était temps d'aller faire un tour en mangeant une pomme qu’elle avait sortie de son sac en cherchant son ticket. Ou, pourquoi pas, la donner à un des chevaux, ce qui lui fournirait une occasion de discuter avec un jockey et plus si affité, en tout cas d’aller se promener seule sans ce boulet qui ne faisait que râler.

Auguste ne la retint pas et la regarda s’éloigner en chaloupant. La journée n’avait décidément rien de bien transcendant ni d'exaltant. Sa douce naïade était partie manger sa pomme et peut-être se faire trousser par un jockey mais l’idée de la paire de cornes qu’elle lui ferait ne l’ébranlait pas plus que ça. Quant à lui, ses espoirs piétinés par les sabots des chevaux et les talons aiguilles de sa belle, il n'avait plus rien à faire là. Il décida donc de rentrer - dans le pire des cas elle pourrait prendre le RER si elle ne trouvait personne pour la raccompagner.

Il se leva et décida d'aller faire un tour pour oublier son chagrin. Son rêve d'un gain s'était envolé. Il pouvait toujours tenté sa chance en pariant sur la dernière course, mais il avait perdu d'un coup tout son enthousiasme.

Les mains dans les poches, il erra et finit par se retrouver à l'entrée. Il aperçut alors un oiseau sur le toit d'une voiture. La grue, car c'était une grue, mangeait un bout de gâteau en faisant un bruit qui rappelait le clapotis de l'eau pendant l'averse. Ce bruit étrange l’étonna. Et que faisait cette grue ?

Il vit alors un homme courir vers la voiture et chasser l'oiseau à grands cris. Elle n'avait pourtant rien fait.

Une paresse l'envahit soudain et il eut envie de dormir. Faire la sieste lui permettrait au moins d'oublier ses soucis d'argent et le fait qu'elle l'avait lâché. Cette fille était aussi compliquée qu'un paradigme ou un paradoxe.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Des mots plein la tête
Publicité
Archives
Publicité