Dans le noir

La cave l’avait toujours terrifiée bien qu’elle n’en aie jamais parlé à Marc : la cave, pour elle, c’était un endroit sombre, froid, glauque comme un tombeau. Mais la bouteille de vin était vide, les invités avait soif, et Clara aurait préféré mourir sur place qu’avouer devant cette pétasse de Mélanie - qu’est-ce que son frère pouvait bien lui trouver - qu’elle avait peur de descendre à la cave.

Bien décidée à ne pas se laisser vaincre par sa peur, Clara alluma la lumière de la cave avant d’ouvrir la porte - par chance le bouton placé à l’extérieur évitait d’avoir à plonger ses yeux dans l’obscurité de la cave avant d’allumer - et posa le pieds sur la première marche de l’escalier. Son regard glissa en bas vers les coins de la pièce que n’éclairait pas l’ampoule et aussitôt des images défilèrent dans sa tête, des scènes vues dans des films, des jeux, lues dans des livres : un petit garçon du nom de George parti à la recherche de paraffine et d’allumettes et qui craignait qu’une bête ne l’attrape par le bras - elle serra les siens sur la poitrine ; une femme coincée dans la cave où elle cherchait un de ses gosses et attaquée par une entité - elle faillit rebrousser chemin pour remonter ; un homme tombant dans une cave où il atterrit sur des lames de couteaux à moins qu’il ne soit dévoré par des rats - l’histoire avait deux versions ; le fantôme d’une femme assassinée par son mari possédé et cachée dans un tonneau à vin - par chance ils n’avaient pas de tonneau mais seulement des bouteilles.

Le rire stupide de Mélanie se fit entendre et Clara se décida à descendre les dernières marches, la peur cédant à la colère, au moins pour un instant. Pour se donner un peu de courage, elle se mit à réciter à vois basse cette citation de Dune qu’elle aimait tant, elle qui avait peur de presque tout :

Je ne connais pas la peur, car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

Se répétant les phrases en boucle, elle finit par trouver la fameuse bouteille de vin dont elle s’empara avec soulagement et fierté : elle avait surmonté sa peur et accompli sa mission.

Au moment de se retourner, son oeil perçut un mouvement sur sa droite, et une lueur rouge, comme si quelque chose de vivant s’était glissée dans les casiers à bouteilles. Quelque chose qui ressemblait à un petit singe sans en être un et avait les yeux rouges. Son courage partit aussitôt se planquer dans un coin et Clara n’eut besoin  que de quelque bonds de biches pour sortir de la cave, la bouteille serrée dans ses mains comme le plus précieux des trésors. Sans prendre gare à ce que pourraient penser les autres de son geste, elle claqua la porte de la cave avant de la fermer à clef, puis d’étendre la lumière.

Au bout d’un instant, quelque chose bougea dans l’obscurité de la cave ; quelque chose qui venait de ressentir la peur de sa vie quand elle avait vu une des créatures-qui-vivent-en-haut sur le point de la capturer ; mais la créature était partie et le danger était passé. Pour le moment.