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Des mots plein la tête
30 novembre 2020

Le dîner

Cela devait être le dîner de la dernière chance. Après plusieurs semaines d’engueulades quasi quotidiennes ponctuées de cris, de portes qui claquent et d’objets s’écrasant au sol, elle était arrivée au bout de sa patience et elle lui avait proposé ce dîner pour discuter tranquillement, faire le point, décider une bonne fois pour toutes si ça valait le coup de continuer à vivre ensemble ou s’il valait mieux se résoudre au divorce.

Pour mieux le convaincre d’accepter, elle lui avait laissé le choix de l’heure, de la date et du menu. Il lui avait répondu : 

Dimanche, 20 heures et pour le menu, je te laisse décider. Tu sais si bien faire la cuisine. Ce sera parfait. »

Il s’était ensuite replongé dans ses mots croisés, la laissant dubitative, se demandant sans oser lui poser la question s’il avait vraiment confiance ou s’il ne s’en moquait pas tout bonnement.

Jusqu’au dimanche elle avait cogité pour composer son menu, sélectionnant et éliminant les plats les uns après les autres. Il fallait que ce soit des plats qu’il aimait si elle voulait qu’il se montrât conciliant ; assez élaborés pour l’impressionner mais pas trop pour ne pas être prétentieux.

Le dimanche matin, elle eu son idée : re-préparer le tout premier dîner quelle lui avait servi alors qu’ils venaient juste de se rencontrer et qu’elle avait déjà décrété qu’ils finiraient leur vie ensemble, à la différence près que ce coup-ci, ils n’oublieraient pas de sortir le gâteau au chocolat du four … sauf si elle avait de la chance.

Elle se leva, impatiente à l’idée de se lancer dans la préparation de son dîner parfait, se doucha en quatrième vitesse et sortit discrètement de la maison pour se rendre au marché. Il ne devait rien savoir de ce qu’elle allait lui préparer afin d’être surpris.

Elle prit au maraicher deux grosses pommes de terre. Elle les choisit avec soin, caressant leur peau à la fois douce et rugueuse sur laquelle restait encore un peu de la terre du potager ; elles devaient être de la même taille, sans trou ni bosse pour être présentées sur un beau plateau.

Elle acheta ensuite à la crémière un beau pot de crème épaisse qu’elle n’hésita pas à ouvrir afin d’y plonger un doigt pour goûter - pas vraiment une nécessité, plutôt un petit plaisir d’enfance à satisfaire.

Enfin, elle ajouta à son panier deux belles truites du poissonnier qui accepta, contre un beau sourire, de les vider pour elle - elle avait toujours détesté faire ça, dégoutée qu’elle était quand il fallait plonger ses doigts dans le poisson pour en extirper ses entrailles gluantes.

De bonne humeur, sûre que tout se passerait bien, elle quitta le marché et revint à la maison après avoir glissé dans son panier un bouquet de roses qui donnerait à la table une touche de romantisme  auquel il ne pourrait pas rester insensible.

Pour le dîner, tout dépendait à présent de son talent culinaire mais elle était déjà certaine qu’il serait parfait. Pour son bonheur, il se devait de l’être.

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